"Aussitôt après nous commence le monde que nous avons nommé, que nous ne cesserons pas de nommer le monde moderne. Le monde qui fait le malin." Charles Péguy

12/09/2007

De l’artiste à l’animateur culturel



A propos de la métamorphose de l’art en religion civile














Le 104, rue d’Aubervilliers, futur temple de l’art contemporain à Paris


Si l’art est constitué par la mise à distance du « réel » et par son opposition critique à ce même « réel », qu’est-ce que l’art aujourd’hui ? A l’ère du fun et du festif, du cool généralisé, l’art, au moins selon cette austère définition, a vécu. Et il est temps d’en faire son deuil. Nos artistes aujourd’hui sont des communicants comme les autres. C’est dans l’ivresse de l’échange généralisé qu’ils s’ébrouent et c’est en tant que gentils animateurs des quartiers d’un monde toujours plus apparemment divers, et toujours plus fondamentalement uniforme, qu’ils s’épanouissent. L’art, en perdant sa fonction critique, se transforme à vitesse accélérée en agent accompagnateur du monde tel qu’il va. Alors que l’art moderne brandissait à la face du monde un miroir impitoyable, l’art au goût du jour se contente de repeindre ce même miroir en rose bonbon afin de rendre enfin à l’époque ce moral qu’elle a dans ses chaussettes bariolées.
C’est ainsi que l’on doit comprendre la dimension sociale que prend la culture aujourd’hui. A en croire les statistiques de l’INSEE, le nombre des travailleurs dans le « secteur culturel », ainsi que celui des « professionnels de la culture » ne cesse d’augmenter, et ce beaucoup plus vite que la population active globale. Exit le « suicidé de la société », adieu « l’artiste maudit ». Ces deux figures tutélaires de l’artiste moderne sont ringardisées et doivent laisser la place à une version sympa et décomplexée de l’acteur culturel, si possible fonctionnarisé, qui intervient sur Internet. Celui-ci se met au service des masses et lui fournit l’opium culturel qui lui manque depuis le recul de l’influence des cultes traditionnels. Bien sûr ce nouveau clerc ne prétend pas remplacer le bon curé d’antan. Bien au contraire, il ne cesse de prétendre occuper la place enviable du marginal (surtout virtuel), au service exclusif de son art et de sa vision du monde. Il est une fois pour toutes dérangeant et décalé, à défaut d’être décalant et dérangé. Car l’acteur culturel est futé. Il sait où se trouve son intérêt et n’ignore pas la valeur marchande de la rebelle attitude, dont on connaît l’heureuse fortune jusqu’au sommet de l’Etat.
Dans toutes les sociétés humaines la condition d’ecclésiastique est recherchée. Elle procure avantages matériels et prestige moral. Le proverbial ventre rond du bon vieux curé comme son légendaire succès auprès des grenouilles de bénitier en témoignent. La crise des vocations dans l’Eglise catholique doit donc se comprendre comme le symptôme de la disparition de son rôle social. A l’inverse, la multiplication des vocations artistiques doit être située dans la perspective d’une cléricalisation de la culture, de son accession au rang de religion civile, voire, si l’on doit prendre au sérieux l’activisme du ministère de la Culture, de religion d’Etat. L’art, comme la Compagnie créole, c’est bon pour le moral, et pour la morale. Et lorsque les Français ont le moral, ils consomment plus (autrement dit, ils relancent, comme on relance au jeu ou dans ce gigantesque potlatch qu’est la société de consommation) pour la plus grande joie de leurs dirigeants. Pour cela ils bénéficient des incitations du monde de la publicité et de l’art qui deviennent de plus en plus difficiles à différencier. Un néo-artiste est bien souvent un produit qui assure lui-même sa promotion, nous en avons la preuve tous les jours ou presque sur ce forum .
Les artistes d’aujourd’hui sont les nouveaux clercs de notre monde qui ne peut, pas plus que ceux qui l’ont précédé, se passer de son point d’honneur spiritualiste qu’est une religion civile. L’arrière-monde dans lequel s’est abîmée la doctrine chrétienne visait notamment à rendre ce monde supportable. Mais aujourd’hui, sa promesse d’un monde meilleur, sa dimension « compensatrice », s’est reversée dans les promesses immédiates de la technique via l’échange généralisé que promeut et promet Internet, ou de la politique, via l’égalitarisme démocratique qui est, on le sait depuis Tocqueville et Chesterton, une idée chrétienne devenue folle.
A ce stade de la lecture, les lecteurs qui auront bien voulu m’accompagner jusqu’ici se demanderont peut-être qui occupe, ou occupera, la place laissée vacante par l’art moderne.

A cette excellente question, je n’ai pas de réponse.



11/09/2007

Il ne s’est rien passé le 11 septembre 2001



Ou comment rester aveugle, grâce aux lumières des théories du complot, à la radicale nouveauté de la violence de notre époque.


Il y a six ans, le 11 septembre 2001 à New York, les deux tours jumelles du Word Trade Center s’effondraient à la suite d’une double percussion par deux avions de ligne. Presque simultanément, deux autres avions détournés peu auparavant dans le ciel américain s’écrasaient sur le sol des Etats-Unis, l’un sur le Pentagone, l’autre en pleine campagne, grâce à l’héroïsme de certains passagers qui ont évité que l’appareil ne percute une zone habitée. Il apparut rapidement et clairement que ces actes criminels avaient été organisés et réalisés par des islamistes radicaux se réclamant d’Al-Qaida, nébuleuse terroriste internationale dirigée par Oussama Ben Laden. Le bilan total de ces attentats, établi longtemps après les faits en raison des conditions abominables dans lesquelles ont été effectuées les recherches, avoisine les 3000 morts Ces actes terroristes, par leur ampleur, par leur modus operandi, ont, pendant un temps très court, frappé d’horreur l’opinion internationale.

Puis la bêtise rationalisante s’est mise en marche.

C’est ainsi qu’à l’approche du sixième « anniversaire » de ces attentats nous avons vu ces dernières semaines une nouvelle fois fleurir nombre d’articles remettant en cause qui la « vérité officielle », qui l’excessive importance accordée à ces 3000 morts au détriment des dizaines de milliers de personnes mortes ce jour-là. D’innombrables bonnes âmes plus ou moins « informées », plus au moins « scientifiques », nous décrivent les « trous noirs » de l’enquête, démontent ses conclusions hâtives, réclament de nouveaux éclaircissements, comme si la terrible clarté qui émane de ces actes atroces n’était pas en elle-même assez aveuglante.

Elle est suffisamment aveuglante en tous cas pour qu’il paraisse impossible à beaucoup d’entre nous de regarder cet évènement en face. Car, dans ces discours, il s’agit toujours de découvrir, au-delà des apparences, ce qui reste caché. Comme si ce qui se manifestait là, immédiatement, ne méritait pas d’être considéré en soi mais devait absolument être interprété, commenté, passé à l’indispensable crible d’un omnipotent esprit critique. Comme si ça n’était pas avant tout à l’émotion elle-même que nous devrions laisser libre cours devant le spectacle d’une ville dévastée, d’une civilisation meurtrie. Comme s’il n’était pas suffisamment troublant, suffisamment perturbant pour nos certitudes modernes, de constater que 19 personnes ont simultanément décidé de sacrifier leur vie pour tuer le plus grand nombre possible d’inconnus, et ont pu organiser pendant des années leur vie en fonction de ce sacrifice. Comme si, enfin, l’effondrement des tours n’était qu’un leurre, une mise en scène sur un écran au-delà duquel rien de « réel » ne saurait advenir.

Le monde occidental ne parait supporter l’évènement qu’à condition de pouvoir se bercer de l’illusion de l’avoir organisé lui-même. C’est ainsi que se multiplient les sociétés « organisatrices d’évènements » et autres consultants spécialisés dans l’évènementiel. Et c’est ainsi que se rejoignent, d’une certaine façon, les capitalistes dans ce qu’ils ont de plus débridés et leurs pires critiques. Car les uns comme les autres refusent que quoique ce soit n’échappe à l’hyperpuissance de l’économie « libérale » et des intérêts politiques qu’elle manipule. Nous vivons dans un monde qui nie l’extériorité que manifeste pourtant de façon évidente ces attentats. L’histoire de l’Occident n’est pas avare de violence politique. Pourtant, force est de le constater, la méthode de l’attentat suicide n’y est guère prisée. Mais cette vérité, notre orgueil occidental refuse au fond de l’admettre. « Puisque ces évènements nous dépassent, feignons d’en être les organisateurs ». Le 11 septembre ne serait donc que le produit pervers d’une société anonyme (appelons-là gouvernement américain, Mossad, ou même d’une certaine façon Al-Qaida) satanique certes, mais guère différente dans son principe même d’une S.A quelconque spécialisée dans la « conduite de projets ».

La radicale nouveauté de cet acte n’est bien sûr pas là. Les bons vieux films de James Bond mettaient déjà en scène d’occultes organisations visant à détruire la planète. La radicale, l’inquiétante nouveauté réside dans la psychologie souterraine de ces terroristes qui, on le constate amplement chaque jour, n’ont pas manqué de faire des émules contribuant eux-mêmes à déchaîner une violence apocalyptique. Face à cette horreur, nous nous interrogeons gravement sur le temps de chute des tours et sur la stratégie de l’administration Bush pour accaparer le pétrole du Moyen-Orient. Dans notre fureur à découvrir des motifs cachés, nous ne voulons rien comprendre.

Pourtant, ceux qui n’ont pas oublié ce qu’ils ont vu et revu il y a six ans, lorsque le cœur de la civilisation mondiale fut défiguré par un acte barbare dont aucune « rationalité » ne parait pouvoir rendre compte, ne peuvent qu’être stupéfiés par cette volonté d’occulter l’évènement au profit d’une rationalité cachée que l’on voudrait comprendre dans les termes rassurants de l’intérêt. Pour certains, il s’agirait d’un coup du Mossad, pour d’autres d’une faction démoniaque qui, cachée au cœur du pouvoir américain, souhaiterait faire la guerre pour le plus grand profit d’intérêts économiques ultra puissants et ultra organisés. D’autres, plus prudents, se contentent hypocritement de souligner les faiblesses de l’enquête. Tous sont d’accord sur un point : l’évènement ne réside pas dans l’effondrement des tours elles-mêmes, ni a fortiori dans le fait, je le répète, que 19 jeunes hommes décidés ont pu sacrifier leur vie simultanément pour tuer le plus de monde possible.

Ce que nous disent en substance les théoriciens du complot c’est qu’à travers les auteurs du 11 septembre -réduits au rang de purs instruments et jamais considérés comme les véritables sujets de leurs actes- ce sont des intérêts puissants et occultes qui auraient agi à distance, ou par procuration, ou encore qui auraient cyniquement laissé faire pour tirer profit du crime. Par ce tour de passe-passe rhétorique se manifeste le déni d’un acte qui nous effraie et nous dépasse. Il s’agit d’une certaine façon de mettre à distance la violence qui s’est déchaînée le 11 septembre 2001, d’en rendre responsable une institution qui serait justiciable d’une certaine rationalité, dont on pourrait déchiffrer le comportement pour in fine l’abolir dans sa radicale nouveauté.
Si seulement ces apprentis Bernstein et Woodward pouvaient avoir raison ! Mais s’il m’est permis ici d’esquisser une phénoménologie de l’attentat suicide, ce qui « frappe » au contraire dans cet acte barbare est la volonté démoniaque de ses auteurs de frapper non seulement de façon indiscriminée mais aussi d’abolir toute forme de distance, réelle ou symbolique (distance que les théoriciens du complot cherche à rétablir à défaut de pouvoir penser son abolition).
Quel intérêt ces jeunes gens pouvaient-ils avoir à mourir en tuant le plus grand nombre possible d’innocents ? En venant percuter les tours, les terroristes ont peut-être manifesté leur volonté de se confondre radicalement avec leurs victimes, à jamais unis à elles dans une indistinction apocalyptique. Quel romancier dostoïevskien parviendra à rendre compte de cette nouvelle psychologie du souterrain qui fait de la vengeance suicidaire un but explicite et ultime de l’action humaine ? Même les fameuses soixante-dix vierges du paradis sont encore une rationalisation lénifiante. Par définition, il n’y a rien au-delà d’un tel acte, sinon la mort peut-être envisagée comme le terme d’un ressentiment insupportable. S’agirait-il d’égaliser enfin la condition de tous, pieux musulmans humiliés et mécréants judéo-chrétiens arrogants ? Plus encore, cet égalitarisme mortifère et radical serait-il la fin, et, peut-être, le devenir de notre civilisation ?

C’est cette noire psychologie qui transparaît encore dans le dernier discours de Ben Laden lorsqu’il y réclame le droit, presque au nom des droits de l’homme, de faire couler le sang de tous les Américains en réponse aux crimes déjà commis par ces mêmes Américains. Il s’agit seulement de renvoyer une violence apocalyptique à une violence première. La fameuse loi du talion interprétée suivant un terrible et criminel contresens comme le droit à la surenchère guerrière.

En conclusion de son ouvrage à paraître intitulé Achever Clausewitz l’anthropologue René Girard insiste sur l’impuissance de la pensée occidentale à comprendre cette nouvelle psychologie des profondeurs.

Mais comment pourrions nous longtemps lui survivre si nous refusons de lui faire face?
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Il me faut ajouter un mot à ce texte qui a reçu une avalanche de commentaires sur le site d'Agoravox où il a été publié. Parmi ceux-ci, la plupart se contentaient de confirmer involontairement ma thèse selon laquelle il est plus facile de commenter un évènement tel que le 11 septembre que de chercher à le comprendre. Certains commentaires pourtant, tranchaient dans la médiocrité ambiante. L'un d'entre eux en particulier attirait l'attention sur un article de son auteur, Juan Asensio, qui évoque le 11 septembre d'un point de vue très proche du mien. A lecture de ce texte magnifique, chacun comprendra sans doute que je souhaite ici y renvoyer.
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10/09/2007

De l’inconvénient de nourrir les trolls en milieu virtuel

Ma douce Marguerite m’avait prévenu :
- Tu n’en sortiras pas indemne Piffard. Tu t’en mordras tellement les doigts que tu ne pourras plus taper sur ton cher clavier pendant quinze jours après ça, sans parler de tous les massages que tu me dois pour la vaisselle que tu fais pas ! Comment je vais faire avec tes paluches toutes bousillées ?
- Allez ! T’exagères Marge. C’est juste histoire de rigoler un coup. Je vois pas ce que je risque !
- Attends ! J’ai un collègue qui vient de sombrer comme ça. Et un plus costaud que toi encore. Il a le doctorat que t’as jamais terminé, le maire lui mangeait dans la main, et pourtant, hein ! Il a cru qu’il pouvait y aller sur le site et jeter de la bouffe aux trolls sans se faire bouffer lui-même tout cru. Eh ben, à la petite cuillère qu’elle l’a ramassé Isa. C’est la machine qu’avait recraché les morceaux. Il était devenu blanc comme un linge, il mangeait plus rien et ne reconnaissait pas les gosses. Il est en cure de désintox chez les chartreux à l’heure qu’il est, depuis un mois, avec interdiction de toucher une bécane et un seul coup de fil par semaine. Merci ! J’ai pas envie de me retrouver à faire tout le boulot avec les trois gosses et tout et tout pendant que les moines te chantent le miserere dans les Alpes ! Au boulot mon vieux, tes papiers vont pas se faire tout seuls, et arrête de penser à ces conneries !
Elle est comme ça Marguerite, elle connaît mon bien mieux que moi et j’aurais dû l’écouter cette fois encore. Mais la tentation était trop forte, ça paraissait trop facile. Quand on les voit pérorer on se dit, il n’y a pas de raison, pourquoi pas moi ? Et tous ces messages à moi adressés qui tomberont dans la boîte comme des petits pains : « Oh, comme c’est bien écrit Florentin » ; « Oh encore Florentin » ; « Bien joué, Florentin, il l’a bien mérité ! » C’est sûr c’est une façon d’être toujours après moi plus agréable que celle du patron qui, les dents serrées, me réclame sans cesse plus de papiers, plus de sensations, plus de tout. Sans une flatterie, sans un compliment ! Comme si ça allait de soi ! Juste un chèque à la fin du mois ! Et le montant qui dépend du volume, ni plus, ni moins ! C’est mécanique, comme à l’usine. Je mérite mieux, moi ! Pourquoi les vivats ce serait juste pour les autres ? Et puis on voit pas trop le danger. Qu’est-ce que ça peut bien faire comme mal de se moquer un peu devant tout le monde, plutôt que de se moquer seulement avec les amis ? D’abord c’est plus courageux et en plus ils l’ont bien mérité quand même, ces cuistres qui se pavanent, à jamais impunis ! Qu’on leur rabatte leur caquet ! Et que ce « on », ce soit moi pour une fois ! Je contrôle de toute façon, je commence d’accord, j’y mets le petit doigt, mais je suis sûr que j’arrête quand je veux.
Donner à manger aux trolls... Comme quand j’étais petit aux ours au Jardin d’acclimatation à Neuilly, avec ma grand-mère. C’était si drôle de voir ces grosses bêtes se dresser sur leurs pattes pour un bout de pain rassis. Quelle puissance au bout des doigts d’un petit bonhomme. Et ça faisait bien rire les grands en plus ! Mande, mande, que je criais ! Et les plantigrades de se dresser sur leurs pattes arrière pour quémander leur pitance ! Toute une histoire ! On en parle encore pendant les repas de famille ! Jamais rien vécu d’aussi fort, d’aussi pur depuis...
Donc, un peu honteusement, certes, mais je m’y suis mis. J’ai commencé par un message bien gentil avec seulement toute l’ironie et l’humour dont je suis capable, histoire de voir. La réaction fut à la hauteur. L’ironie et l’humour se sont perdus en route bien sûr et la réponse, en français approximatif, certes, mais cinglante quand même, ne tarda pas. Il fallait répondre, vite, vite ! Un truc bien cinglant aussi, et si possible en bon français... Après, tout s’est enchaîné très vite. Un message appelait réponse et c’est parti dans tous les sens, tout le monde en réclamait toujours plus et comme côté boulot ça s’arrêtait pas non plus, il est arrivé un moment où je ne pouvais plus fournir. Le patron au téléphone qui exigeait les nouveaux papiers, la secrétaire qui demandait que je relise les épreuves et les bouquins à critiquer qui s’accumulaient. Mais rien n’y faisait, il fallait répondre. Regarder dans tous les coins du web si j’avais pas raté quelque chose, si un hurluberlu ne parlait pas de moi en douce... Impossible d’arrêter, de ne pas avoir le dernier mot. Une orgie d’ego. J’en pouvais plus de moi-même ! Un vrai possédé du moi ! Comme arraisonné par la technique dit l’un, comme pris dans une spirale dit l’autre, me disais-je parfois dans un éclair de lucidité, en me souvenant de mes vieilles lectures. Sans doute les vieux maîtres avaient-ils raison, mais moi en attendant j’étais très fier d’avoir tort !
Progressivement pourtant, il a bien fallu que je le constate devant la glace que Marguerite brandissait sous mon vaste nez, comme le chouchou du maire, je devenais livide. Je ne me peignais ni ne me rasais, c’est tout juste si j’allais au petit coin... Les gamins c’est à peine si je leur parlais. Ils en profitaient les petits salauds et s’excitaient sur la PSP comme moi sur ma machine. J’avais plus rien à dire. A la trappe « l’autorité paternelle » ! Et le père avec ! Il ne restait plus que le petit garçon bien content de lui qui donnait encore à manger aux ours. Marguerite avait beau passer et repasser devant la table de travail, je ne voyais pas son nouveau tailleur. Elle avait beau m’engueuler, j’étais fermé comme une huître. Tout entier pris par la machine. Au début, elle a voulu intervenir, utiliser les grands moyens. En plus du miroir, elle brandissait des menaces ! Elle est même intervenue sur le site, parfois pour se moquer, parfois pour me parler plus gentiment. On s’est même fait une déclaration d’amour. Mais elle s’est vite ravisée. En bonne économiste, elle a laissé tomber l’interventionnisme, et elle a opté pour une autre méthode, plus libérale. Elle a attendu tranquillement l’issue fatale avant de me laisser tirer la conclusion, puis d’enfoncer le clou... Tout ça fort heureusement n’a pas tardé, de nourrisseur de trolls, je me suis retrouvé en deux temps trois mouvements nourriture pour trolls, puis troll moi-même ! La funeste boucle était bouclée...
Le sevrage est lent et difficile, mais oh combien nécessaire ! Ne le dites pas à Marguerite, mais je cherche une méthode sur Internet, moins radicale que le monastère. Ce matin, j’ai trouvé un site qui en parle ! Le débat fait rage...

Sis felix